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Traitement stimulant et éventuel usage de substances ultérieur Une méta-analyse


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Le méthylphénidate est un traitement bien établi de l'hyperactivité avec déficit de l’attention (TADA) et constitue un traitement de première intention. Cependant, l'utilisation de médicaments stimulants pour traiter le TADA demeure controversée en raison des inquiétudes quant à son éventuelle implication dans la sensibilisation des patients à des problèmes de toxicomanie plus tard. Les études sur les animaux ont impliqué l'administration de méthylphénidate à une préférence plus tard pour la cocaïne. Chez l'homme, l'âge d’initiation du traitement était positivement corrélé à une toxicomanie. Ces résultats suggèrent non seulement une association entre les traitements stimulants et la toxicomanie, mais aussi que les conséquences neuronales peuvent varier, en fonction de l'âge d'exposition.

Dans la seule méta-analyse publiée sur l'association d'un traitement stimulant pour le TADA et les troubles d’addiction ultérieurs à l'alcool ou aux substances, Wilens et al ont analysé 6 études et ont conclu que les enfants ayant reçu un traitement stimulant étaient significativement moins susceptibles de développer un trouble d’addiction à l'alcool et aux substances. Cependant, les résultats de plusieurs études longitudinales n'ont pas pu établir un effet protecteur du traitement stimulant sur la toxicomanie.

Étant donné que 10 ans se sont écoulé depuis la première méta-analyse réalisée par Wilens et al et la publication de plusieurs études ultérieures qui n'ont pas réussi à reproduire l'effet protecteur des traitements stimulants pour le TADA sur les conduites addictives, la présente méta-analyse a inclue plus d'études, y compris plusieurs études non publiées, et a étudié à la fois l'utilisation de la durée de vie de la substance et l’abus ou dépendance aux substances (cocaïne, marijuana, nicotine, et alcool).

Chaque étude choisie dans cette méta-analyse (à une exception près) répond aux critères d'inclusion suivants: (1) la conception longitudinale, (2) la mesure binaire pour identifier les enfants atteints de TADA, (3) mesure binaire de l’usage, abus ou dépendance aux substances, (4) les données disponibles pour calculer les proportions d'enfants souffrant de TADA traités vs non traités avec des stimulants, la consommation de substances et l'abus ou dépendance résultants et (5) Publication entre Janvier 1980 et Février 2012 . Dans le cas de Mannuzza et al, tous les critères d'inclusion ont été respectés, à l'exception de la population de l'étude : les enfants diagnostiqués comme ayant un trouble de la lecture. Semblables à des enfants atteints de TADA, les enfants ayant un trouble de la lecture étaient plus susceptibles de développer un trouble de consommation d'alcool que chez les témoins sains. Ainsi, tous les individus de cette méta-analyse ont un risque accru de problèmes de toxicomanie.

Comme résultats pour l’alcool: quatre études ont évalué l'association entre le traitement stimulant et la consommation d'alcool chez les enfants atteints de TADA. La méta-analyse a révélé que les enfants qui ont reçu un traitement et ceux qui n'en ont pas reçu étaient comparables quant à la consommation d'alcool. Onze études ont évalué l'association entre les traitements stimulant et l'abus ou dépendance à l’alcool. Deux études ont montré que le traitement par les médicaments stimulants réduit le risque d'abus ou de dépendance à l'alcool, alors qu’une étude a constaté que les enfants traités par des médicaments stimulants étaient significativement plus susceptibles de développer l'abus ou dépendance à l'alcool.

Pour l’alcool: trois études ont évalué l'association entre traitements stimulants et cocaïne. L’analyse a retrouvé que les enfants traités par des médicaments stimulants ont plus de chances de consommer de la cocaïne par rapport à ceux qui ne reçoivent pas les traitements stimulants. Sept études ont évalué l'association entre le traitement stimulant et l'abus ou dépendance à la cocaïne ultérieurement. L’analyse de résultats stipule que les enfants ayant reçu un traitement stimulant étaient comparables à ceux qui n'ont pas reçu de traitement dans le développement d’un abus ou dépendance à la cocaïne.

Pour le marijuana, quatre études ont évalué l'association entre le traitement stimulant du TADA et un usage de marijuana. L’analyse de ces études trouve que les enfants ayant des antécédents de traitement stimulant sont comparables à ceux sans antécédents de traitement stimulant. Neuf études ont évalué l'association entre traitements stimulants et abus ou dépendance à la marijuana. Sept de ces études n'ont trouvé aucune association, alors que 2 études ont rapporté que le traitement stimulant réduit significativement le risque de développer un abus ou dépendance à la marijuana.

Pour la nicotine, quatre études ont évalué l'association entre le traitement stimulant et l’usage de nicotine. L’analyse de ces études révèle que les enfants atteints de TADA qui ont reçu les médicaments stimulants sont largement comparables aux enfants non traités par des médicaments stimulants. Six études ont évalué l'association entre le traitement stimulant et la dépendance à la nicotine. 5 des 6 études n’ont rapporté aucune association significative et une seule étude qui a rapporté que le traitement du TADA par des médicaments stimulants augmente le risque de dépendance à la nicotine.

Pour les médicaments non spécifiques : Trois études ont évalué l'association d'un traitement stimulant et l'usage de médicaments non spécifiques. L’analyse des études trouve que les enfants atteints de TADA qui ont reçu un médicament stimulant étaient semblables aux enfants qui n'ont pas reçu de traitement quant à l’usage illicite de médicaments non spécifiques. Sept études ont évalué l'association de traitements stimulants et l’abus ou dépendance à des médicaments illicites non spécifiques. 6 études n’ont trouvé aucune association significative et 1 étude a rapporté la réduction du risque d’abus ou de dépendance pour les enfants qui ont reçu un traitement stimulant.

Les auteurs ont analysé 15 études longitudinales, ayant porté sur 2565 individus, pour tester si un traitement stimulants pour le TADA prédit la survenue ultérieure d’une toxicomanie. 5 types de substances ont été analysées (alcool, cocaïne, marijuana, nicotine et médicaments non spécifiques). Les résultats indiquent que l’usage de substances était comparable entre les patients qui ont reçu un traitement stimulant et ceux qui n’en ont pas reçu.

En outre, cet effet était évident pour l’abus ou dépendance à la nicotine et la cocaïne. Ces résultats divergent de l’unique méta-analyse sur ce sujet réalisée il ya 10 ans, dans laquelle le traitement stimulant pour le TADA réduit de manière significative les problèmes de toxicomanie ultérieurs. Bien que l'étude initiale fût basée sur seulement 6 études, elle a été très influente, comme en témoigne son taux élevé de citation et les attitudes cliniques et scientifiques affectées en pratique. Fondamentalement, les résultats de la présente méta-analyse, basée sur un échantillon plus large d'études, suggèrent que le risque de toxicomanie n’est pas influencé par la prise d’un traitement stimulant dans le cadre d’un TADA. Dans l'étude initiale, les auteurs ont déjà soutenu que l'effet protecteur du traitement stimulant pourrait varier en fonction de l'âge, étant donné que les participants plus âgés ont tout simplement plus de chances d'avoir déjà essayé des substances.

Le sexe masculin ou féminin représentait plus de 75% de la variation de l'effet de taille de ce résultat, ce qui suggère que les différences entre les deux sexes peuvent être importantes à considérer pour les médicaments stimulants et la toxicomanie potentiellement résultante. La plupart des recherches longitudinales sur le TADA est à prédominance masculine, et donc l'effet spécifique du traitement chez les femmes avec TADA nécessite d’autres études.

Plusieurs limites importantes de l'étude doivent être soulignées. En effet, bien que la présente méta-analyse améliorée de manière substantielle par rapport à celle de Wilens et al, elle reste relativement modeste en terme de nombre d'études incluses. Deuxièmement, la conclusion que le traitement stimulant n'est pas lié à une éventuelle toxicomanie ultérieure est fondée sur les données de corrélation. Le rôle potentiel de biais de sélection d'intervention est vraisemblablement pertinent. Étant donné que le traitement médicamenteux peut être biaisé dans les cas les plus graves, les résultats actuels peuvent en effet représenter un effet protecteur si le groupe traité avec un médicament stimulant avait renoncé à ce médicament et développé des problèmes de toxicomanie à un taux plus élevé. Par ailleurs, les auteurs étaient limités quant aux données sur les substances disponibles. D'autres mesures de consommation de substances, y compris la fréquence ou la quantité, peuvent être intéressantes à étudier.

Il est, en outre, prouvé que l'âge de l'initiation du traitement est un concept pertinent dans l’induction ultérieure de trouble d’usage de substances. Ainsi, une étude a montré que les enfants qui ont commencé à prendre un médicament stimulant avant 8 ans ne diffèrent pas dans la consommation de substances non alcoolisées par rapport à ceux sans traitement médicamenteux, tandis que ceux qui ont commencé un traitement médicamenteux après 8 ans avaient augmenté les conduites de toxicomanie. Les auteurs n’ont pas pu évaluer de manière approfondie le rôle potentiel de l'âge de début de consommation des médicaments, ainsi que d'autres informations (type de médicament, posologie et observance du traitement) et, surtout, le statut de traitement actuel. Cependant, les recherches futures dans ce domaine doivent documenter et analyser ces modérateurs potentiels.

En conclusion, bien que les résultats de l'étude indiquent que le traitement avec le méthylphénidate a conféré les plus grands avantages pour le TADA, l'inquiétude demeure sur les effets indésirables potentiels du traitement stimulant. La présente étude a passé en revue la littérature empirique, pour caractériser l'association entre traitement stimulant et une éventuelle toxicomanie ultérieure.

  • Dr Elayoubi Khadija
  • Service de psychiatrie
  • CHU Hassan II Fès
  • Le 21/08/2013

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