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Effets cumulatifs concomitants et durables de l'usage de marijuana chez l'adolescent sur les symptômes psychotiques infracliniques


Introduction

Le nombre croissant d'états ayant légalisé l'usage médicinal et récréatif de la marijuana, rend de plus en plus important de comprendre les conséquences qu'une utilisation régulière peut avoir sur la santé physique et mentale en particulier chez les adolescents et notamment par rapport au développement de symptômes psychotiques.

L'absence d'études longitudinales publiées qui examinent si les adolescents qui utilisent régulièrement la marijuana sur plusieurs années s'exposeraient à une augmentation systématique dans leurs symptômes psychotiques infracliniques qui persistent pendant les périodes d'abstinence soutenues.

Une deuxième question est de savoir si l'association entre la consommation de marijuana chez les adolescents et la survenue ultérieure des symptômes psychotiques plus tard est causale ou un facteur de confusion.

Méthodologie

Les participants étaient 1009 garçons recrutés à partir d'une liste des élèves inscrits dans les 1eres et 7e (dénommés les cohortes des plus jeunes et des plus âgés, respectivement) dans les écoles publiques de Pittsburgh entre 1987-1988.

Les étudiants inscrits dans les classes pour des déficiences intellectuelles et physiques graves n'étaient pas admissibles à l'étude.

Les garçons dans la cohorte des plus jeunes ont été interrogés tous les 6 mois pendant 4 ans, suivie de neuf évaluations annuelles et des suivis lorsque les participants avaient, en moyenne, 26 et 29 ans. Après l'échantillonnage les garçons dans la cohorte des plus âgés ont été évalués tous les 6 mois pendant 30 mois, puis annuellement pendant 10 ans, et encore quand ils avaient, en moyenne, 36 ans.

La consommation de marijuana a été évaluée avec le Questionnaire d'usage de substances rapporté chez les jeunes.

Cinq items du the Youth Self Report ont été utilisés pour indexer les symptômes psychotiques infracliniques dans l'année écoulée pour chaque âge.

Pour cette analyse, les données des deux cohortes ont été combinées en alignant les évaluations selon l'âge des participants au moment de l'entrevue, ce qui a entraîné des évaluations annuelles qui se chevauchent de 13 à 18 ans.

Résultats

Entre 13 et 18 ans, la prévalence des symptômes psychotiques a progressivement diminué. Au cours de la dernière évaluation, 695 participants ont rapporté au moins un symptôme psychotique infraclinique, 391 ont déclaré une paranoïa, 231 ont rapporté des hallucinations, et 574 avaient signalé une pensée bizarre.

Comme prévu, l'utilisation de substances a augmenté de 13 à 18 ans.

Durant la dernière évaluation, 270 participants avaient consommé de la marijuana chaque semaine, 325 avaient une utilisation hebdomadaire d'alcool, 377 avaient utilisé du tabac quotidiennement, et 134 avaient utilisé d'autres drogues illicites au moins une fois.

L'analyse a indiqué que pour chaque année supplémentaire chez les adolescents engagés dans une consommation hebdomadaire de marijuana, le nombre attendu de symptômes psychotiques ultérieurs a augmenté de 21%.

Les modèles examinant les sous-types spécifiques de symptômes indiquent que la consommation hebdomadaire actuelle et le nombre d'années antérieures de la consommation de marijuana chaque semaine ont tous deux été significativement associées à la paranoïa.

Le nombre d'années antérieures de consommation de marijuana chaque semaine était significativement associé à des hallucinations infracliniques.

La consommation de marijuana actuelle et antérieure n'était pas associée à des pensées bizarres.

Les résultats indiquent que l'effet linéaire du nombre d'années antérieures d'un usage hebdomadaire de marijuana sur les symptômes psychotiques infracliniques, la paranoïa et les hallucinations a persisté même lorsque les adolescents ont cessé d'utiliser la marijuana pendant une année.

Discussion

Cette étude a trouvé des preuves suggérant que la consommation régulière de marijuana peut augmenter le risque d'apparition de symptômes psychotiques infracliniques persistants chez les adolescents.

L'effet cumulatif de l'utilisation régulière de marijuana a été plus prononcé pour les symptômes infracliniques de la paranoïa et les hallucinations.

Conformément aux résultats des études antérieures, la prévalence des symptômes psychotiques infracliniques tend à diminuer du début à la fin de l'adolescence.

Ces résultats se fondent sur des travaux expérimentaux montrant que l'administration aiguë de THC peut causer la paranoïa (pensée persecutoire) chez des volontaires adultes en bonne santé en milieu de laboratoire.

La consommation de marijuana actuelle et cumulative n'est pas associée à une augmentation des pensées ou des comportements étranges. La prévalence de ces symptômes a été assez élevée dans l'échantillon actuel, Cette constatation pourrait être expliquée par le fait que pendant l'adolescence, beaucoup de jeunes peuvent se sentir mal compris par les parents ou autre autorité alors qu'ils commencent établir leur autonomie.

Parmi les limites de l'étude : les conclusions étaient fondées sur un échantillon longitudinal des garçons urbains suivis entre 13 et 18 ans dans une seule zone géographique. Les recherches futures devraient déterminer si ces conclusions sont valables pour les filles et les adultes vivant dans des régions géographiquement différentes et si l'effet de la consommation régulière de marijuana, chez les adolescents, sur les symptômes psychotiques infracliniques persiste à l'âge adulte. Une autre limitation est que seule la fréquence auto-déclarée de la consommation de marijuana a été évaluée dans la présente étude.

D'autres facteurs, tels que la puissance du THC et le mode d'administration, peuvent affecter l'association entre la consommation de marijuana et les symptômes psychotiques, et étant donné que les données présentées ici ont été recueillies dans le milieu des années 1990 et au début des années 2000 et que la concentration de THC dans la marijuana a augmenté au cours des dernières années, cette analyse aurait pu sous-estimer les risques liés à une utilisation régulière.

Une recherche expérimentale future devrait également déterminer si la réduction de la proportion de THC (et l'augmentation de la proportion de cannabidiol) dans la marijuana médicale et récréative peut réduire le risque d'éprouver des symptômes psychotiques infracliniques.

Dr Haouat Amine
Service d epsychiatrie
CHU Hassan II Fès
Le 29/08/2016


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