Les troubles de la pensée
Introduction
La pensée est l´ensemble des opérations intellectuelles qui permettent de comprendre les objets et les relations et d’accéder à la connaissance du monde.
Ces opérations sont principalement l´imagination, le jugement et le raisonnement.
La pensée peut être perturbée dans son développement, son déroulement ou son contenu. Intérêt:
- Le trouble de la pensée est fréquent en pathologie psychiatrique.
- Se voit surtout dans les troubles psychotiques.
- Permet avec d´autres signes accompagnateurs une orientation diagnostique.
- Traitement adéquat et efficace.
Limites : aucun des troubles de la pensée ne possède de valeur pathognomonique.
Les troubles du cours de la pensée
Trouble du rythme de la pensée
- Tachypsychie: C´est une accélération du rythme de la pensée.
- Au premier stade, l´hyperactivité est intellectuelle est dite productive : l´efficience est conservée et améliorée grâce à l´augmentation de l´idéation, l´inventivité, la richesse des associations idéiques et imaginaires.
- A un stade évolué, l´hyperactivité intellectuelle devient improductive, l ´afflux excessif d´idées ne permet pas leur utilisation en raison des associations superficielles et digressives répétées.
- La diffluence de la pensée désigne un mode de pensée qui se développe dans diverses directions, il existe un trouble des associations des idées (Ex syndrome dissociatif).
- Les principales manifestations de la diffluence sont :
- Fuite des idées : afflux excessif d´idées associe a leur fugacité, le patient passe d´une idée à une autre.
- Logorrhée : précipitation du débit verbal.
- Expansion de la conscience : chaque image, chaque idée dont l´enchaînement est très rapide entraîne une kyrielle de réminiscences et d´évocations.
- Jeux de mots et coq-à-l'âne répétés : sauts sans transition d´un sujet à un autre, sans raison apparente
- Hypermnésie ou ecmnésie.
- Bradypsychie: ralentissement du rythme de la pensée.
- Cette inertie du développement des idées témoigne d´une viscosité mentale (le patient fait un effort pour répondre aux questions simples).
- Appauvrissement de la pensée avec monoïdéisme (pensée centrée sur une idée prévalente : idée de mort, désespoir...).
Troubles de continuité la pensée
Elle peut être altérée avec une perte de la cohérence (perte de l´enchaînement logique des regroupements synthétiques), et/ou perte de la fluidité (allant de la viscosité mentale à la fuite des idées :
- Barrages : arrêt brusque du cours de la pensée. le patient cesse subitement de penser et de parler, suivie d´une reprise du discours, sans prise de conscience de l´arrêt.
- Fading mental : évanouissement progressif du cours de la pensée, qui se traduit par une diminution du rythme de la phrase suivie d´une reprise du rythme normal, sans prise de conscience.
- Inhibition intellectuelle : diminution de la vigueur mentale à l´origine d´un déficit de la productivité des représentations (idées, souvenirs), effort nécessaire mais souvent infructueux ou insuffisant pour penser.
- Viscosité mentale : ralentissement du débit idéique, du rythme des associations idéiques, de l´expression, de la réponse adéquate à une question.
- Persévération mentale : elle se traduit par un défaut de fluidité idéique (impossibilité d´abandonner rapidement une idée pour une autre)
Les troubles du contenu de la pensée
Troubles de la représentation et de l´imagination
La représentation psychique : c´est la capacité de redonner dans notre conscience la qualité de présence à une sensation, une image perceptive, une forme abstraite.
Les troubles de représentation : peuvent se traduire par des déficits de la pensée conceptuelle caractérisés par l´incapacité d´accéder à un degré d´abstraction suffisant.
Les troubles de l´imagination : déficit ou excès à type d´exaltation comme dans la tachypsychie.
Idées fixes ou idées prévalentes
- Idées prévalentes : mobilisation totale de la pensée au service d ´une revendication, d´ un préjudice, d ´une jalousie, sans considération pour ce qui la contredit.
- Idées parasites : idées qui s´ imposent avec constance et perturbant le contenu de la pensée.
- Idées non considérées par le sujet comme absurdes ou sans fondement (à la différence des obsessions).
- Idées délirantes : idées non fondées sur la réalité commune, auxquelles le sujet attache une foi absolue, non soumise à la preuve et à la démonstration.
Obsessions
Trois types d´idées obsédantes, distinctes de l´idée fixe, car l´idée obsédante apparaît au sujet comme un phénomène morbide.
- Les obsessions idéatives : c´est l´intrusion répétitive de mots, d´idées, d´images (généralement de nature obscène ou absurde).
- Les obsessions phobiques : Il s´agit de crainte obsédantes concernant une maladie précise (cancer, sida) ou la contamination en général (les microbes la souillure, les toxiques), la crainte angoissante existe même en l´absence de l´objet ou de la situation redoutée, ces obsessions donnant souvent lieu à des conduites d´évitement et de protection.
- Les obsessions impulsives : c´est une crainte irrationnelle de commettre de manière irrésistible un acte immoral, absurde ou agressif.
Phobies
C´est une crainte irraisonnée, jugée absurde par la personne, déclenchée par la présence d´un objet ou situation n´ayant pas en eux-mêmes un caractère dangereux, et disparaît en l´absence de l’objet ou de la situation.
Les distorsions de la pensée
- Pensée déréelle : élaboration mentale en contradiction avec la réalité commune ; c´est une pensée faite d´abstraction formelle sans support objectif.
- Pensée autistique : enfermement dans une pensée intérieure déréelle aux dépens de la réalité extérieure.
- Pensée magique : mode de pensée libérée des références logiques ; fondée sur la toute puissance du désir ; ne tenant pas compte de l´expérience commune.
- Pensée syncrétique : mode d´appréhension globale et indifférencié du monde extérieur et de son propre corps.
- Pensée paralogique : pensée respectant un cadre d´élaboration logique des associations idéiques, des représentations, du jugement pour confronter ses idées prévalentes. Le raisonnement parait juste et logique mais le ou les postulats sont faux.
- Pensée xénopatique : pensée ressentie comme empêchée, dictée et contrôlée par une influence extérieure, les activités psychiques sont éprouvées comme étrangères.
- Rationalisme morbide : processus mental qui restreint et étouffe la réalité vivante et concrète à l´aide de raisonnement abstrait. (Pensée dissociée).
- Digression de la pensée : interruption de la direction normale des associations idéiques par une idée parasite puis retour à l´idée initiale.
Conduite diagnostique
La constatation de tels troubles de la pensée impose une enquête diagnostique, il faut notamment s´enquérir :
- De leur modalité d´installation et d´évolution : aigue, insidieuse, déjà ancienne, voire devenue un mode de pensée habituel.
- De leur intensité, et des difficultés de communication qui en découlent.
- Des symptômes d´accompagnement : présence ou non d´un délire, d´hallucinations, de troubles du comportement, d´une pathologie de l´ humeur, d´un trouble de l´attention, de difficultés mnésiques, etc.
- Du degré d´auto-perception du trouble de la pensée : conscience, méconnaissance, indifférence.
NB : Aucun des troubles de la pensée ne possède de valeur pathognomonique, mais leur caractérisation évolutive et leur participation à un tableau psychopathologique permettent en général de les rapporter à une étiologie psychiatrique probable.
Un certain nombre de diagnostics différentiels devront être éliminés, en particulier :
- Les aphasies de causes neurologiques, en sachant que certaines aphasies frustes peuvent être rapprocher des troubles de la pensée et du langage, rencontrés dans les états schizophréniques déficitaires : les paraphasies, par, exemple, sont communes aux deux conditions ;
- Les états déficitaires fixes : débilité intellectuelle, etc.
Par les étiologies les plus courantes, on pourra distinguer :
- Les syndromes confusionnels (et toutes leurs étiologies) : les troubles de la pensée y sont soudains, intermittents, très prononcés, entravant la communication, à type d´incohérence.
- Les troubles thymiques : les états dépressifs (ralentissement psychomoteur), les états maniaques (accélération généralisée, jeux de mots, diffluence, incohérence avec désorganisation majeure de la pensée).
- Les états mixtes s´accompagnent parfois de troubles du cours de la pensée difficiles à rattacher à leur origine thymique (association d´une accélération des pensées, d´un discours volontiers, à une humeur abaissée et des préoccupations négatives).
- Les états délirants aigus s´accompagnent généralement de troubles du cours de la pensée, pour partie déterminée par l´activité délirante et les hallucinations.
- La présence d´un discours discordant, appauvri, peu communicatif, sans rapport avec la situation (rationalisme morbide) évoqueront un état dissociatif en faveur de la schizophrénie.
- De nombreux troubles neuropsychiatriques et syndromes psycho -organiques peuvent être à l´origine de troubles de la pensée, de type principalement déficitaire : appauvrissement, persévérations, difficultés d´abstraction se traduisant par un discours cantonne dans le concret et le superficiel.
- Paranoïa.
- Trouble obsessionnel compulsif (Obsessions idéatives, obsessions phobiques…).
- Hystérie.
- Trouble bipolaire (fuite d´idées, tachypsychie, logorrhée……..)
Les situations diagnostiques difficiles sont liées à:
- L´absence d´un tiers qui puisse confirmer le changement qui s´est opéré chez le sujet, en présence de troubles isolés et peu apparents.
- L´installation très insidieuse.
- Les sujets âgés.
Conclusion
- Les distorsions de la pensée sont fréquentes en pathologie psychiatrique.
- Les étiologies sont multiples.
- Eliminer l´organicité avant de retenir une cause psychiatrique.
- Prise en charge dépend de l´étiologie.
Références
- Précis de sémiologie des troubles psychiatriques. Editions Heures De France 2005
- Psychiatrie de l´adulte. Elsevier Masson SAS, Paris, 1977, 2000, 2004,2006.
- Abrége de psychiatrie.
