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Le Syndrome Dépressif


Introduction

La dépression se définit comme une tristesse pathologique sans motif et non expliquée.Le syndrome dépressif réalise l’association clinique, à des degrés variables, les symptômes émanant des perturbations émotionnelles, comportementales, somatiques et cognitives caractéristiques.

La forme typique est celle de l’épisode dépressif, elle se traduit par quatre grands types de symptômes : les altérations dépressives de l’humeur et les représentations négatives, le ralentissement psychomoteur, le désir de mort et les idées suicidaires, les symptômes somatiques.

Intérêt

La dépression est une pathologie fréquente en population générale.

Elle nécessite une prise en charge adéquate vu le risque suicidaire potentiel ainsi ses répercussions socio-familiales.

Sémiologie de l’accès dépressif

Humeur dépressive et Représentations négatives

  1. L’humeur dépressive :

    Elle s’exprime par une tristesse pathologique accompagnée parfois à l’irritabilité et l’anxiété de façon diverse.

    • La tristesse constitue la composante principale de l’humeur dépressive. Elle se distingue de la tristesse ordinaire par sa capacité à imprégner l’ensemble de la vie mentale et par sa permanence. Elle est sans motifs ou apparaît disproportionnée avec les causes invoquées.
    • L’irritabilité, parfois latente, mais peut aussi s’extérioriser ; elle s’exprime par une irascibilité, des récriminations incessantes. On parle dans ce cas de l’humeur dysphorique.
    • L’anxiété s’observe dans la presque totalité des dépressions, parfois avec des idées d’incapacité ou d’incurabilité. Il s’agit le plus souvent d’une anxiété généralisée.
  2. Les représentations négatives :

    Le sujet porte sur lui-même un regard négatif émanant de sa propre pensée. Celui-ci se fonde sur un sentiment d’impuissance à agir, d’incapacité, et se traduit par une perte de confiance et d’estime de soi avec parfois un sentiment de culpabilité.

    La vision de l’avenir est occultée par le pessimisme et la perte d’espoir.

    La vision du monde est aussi déformée par la même négativité. Le déprimé polarise son attention sur les seuls aspects négatifs de son environnement « tout est noir », ce qui lui donne un sentiment d’isolement renforçant la croyance en l’incommunicabilité de l’expérience dépressive et en l’inefficacité de l’aide d’autrui.

    L’affectivité du sujet se traduit par une anhédonie, indifférence et instabilité.

  3. Les conduites suicidaires :

    Le désir de mort est fréquent et doit faire l’objet d’une évaluation systématique. Son existence conditionne en effet le risque suicidaire, toujours à craindre chez le déprimé. Il est souvent l’aboutissement logique de la vision négative que porte le déprimé sur son existence. Le suicide peut être inaugural, survenu dans les suites ou à la fin de la mélancolie.

    L’évaluation du risque de passage à l’acte est toujours délicate. Cependant, certaines conditions ont une valeur péjorative :

    • L’existence d’une forte intentionnalité suicidaire dont peut témoigner la planification du projet, tout en sachant que certains suicides se réalisent de façon impulsive, sans préméditation.
    • L’isolement social et affectif.
    • L’existence d’un profond désespoir, d’un niveau d’anxiété et/ou d’agitation élevé, de troubles du sommeil et de tentatives de suicides antérieures personnelles ou familiales.

Le ralentissement psychomoteur

Il représente un véritable syndrome déficitaire global d’intensité très variable selon le type clinique et la gravité de la dépression. Ce ralentissement se constate objectivement, à l’examen de la présentation et de l’état mental du sujet, comme elle se traduit subjectivement par un ensemble de plaintes caractéristiques.

  1. Le ralentissement psychique :
    • Sur le plan cognitif : ce ralentissement se traduit par une incapacité à penser de façon claire et efficace. On définit une bradypsychie où la pensée est lente, laborieuse, fatigable ; avec monoidéisme (la pensée stagne sur une idée unique). Le déprimé se plaint fréquemment de difficultés d’attention et de concentration qui réduisent sa capacité à lire, à soutenir une conversation, à suivre une émission télévisée, mais aussi de troubles mnésiques l’obligeant à de difficiles efforts de rappel. Le temps est ralenti, ne passe pas.
    • Sur le plan affectif : il se traduit par un sentiment d’indifférence ou d’anesthésie affectif ; voir même une perte de la capacité à éprouver des sentiments d’amour, de joie, de peur ou de colère. Un tel sentiment renforce habituellement la souffrance subjective et parfois la culpabilité.
    • Sur le plan conatif : le ralentissement se traduit par une inhibition de la volonté, une perte de motivation, qui contribuent à la réduction des capacités d’initiative et de maintien des activités. Au bout du compte toute l’activité du sujet est dégradée : hésitant, indécis, il agit moins, avec beaucoup de difficultés à se mettre en route.
  2. Le ralentissement moteur :

    se traduit par une réduction des mouvements, qui sont rares, lents et de faible amplitude. La posture du déprimé est inerte, affaissée, son dos voûté, ses épaules tombantes. La ponctuation du discours est réduite, l’expression mimique est monotone. Le sujet répond aux questions avec inertie, après un temps de latence, par des réponses courtes et parfois inachevées.

Les plaintes somatiques

  1. Les troubles des conduites instinctuels:
    1. Les troubles de sommeilsont habituels :

      Insomnie le plus souvent, mais aussi parfois hypersomnie.

      • L’insomnie est variable :
      • Insomnie d’endormissement, accompagnée de tension psychologique, de mentisme, d’agitation psychomotrice avec détente neuromusculaire impossible, lorsque le niveau d’anxiété est élevé (dépressions anxieuses).
      • Insomnie du milieu de nuit, avec réveils nocturnes et ré endormissements difficiles.
      • Insomnie de fin de nuit, la plus évocatrice, avec réveils matinaux précoces, en avance sur le rythme d’éveil habituel du sujet.
      • Insomnie mixte fréquente, associant retard à l’endormissement, réveils nocturnes et en avance matinale, conduisant à un épuisement rapide.
      • L’hypersomnie est plus rare : elle se caractérise par un sommeil nocturne excessif avec réveils tardifs et une somnolence diurne conduisant à la multiplication des siestes, se voit le plus souvent chez l’adolescent.

      Dans tous les cas (insomnie ou hypersomnie) la qualité du sommeil est médiocre, le sujet décrivant son sommeil comme superficiel, agité et non réparateur.

    2. Les troubles de l’appétitsont également fréquents :

      Anorexie, le plus souvent, mais aussi parfois augmentation de l’appétit.

      • L’anorexie est d’intensité variable : parfois modérée, combattue par le déprimé avec l’aide de son entourage, elle peut aussi conduire à une perte de poids significative. Certains cas de refus alimentaire peuvent témoigner d’une intentionnalité suicidaire.
      • L’augmentation de l’appétit est plus rare : elle se traduit par une hyperphagie ou boulimie avec prise de poids consécutive.
      • Le refus alimentaire peut se voir dans un cadre surtout délirant.
    3. Les troubles sexuels consistent en une diminution de la libido, une impuissance et une frigidité. Ils peuvent renforcer la dévalorisation du déprimé, voir sa culpabilité vis-à-vis du partenaire.
  2. Les plaintes somatiques :

    Ce sont des plaintes vagues, sans substratum anatomique. On note une amélioration après prise des antidépresseurs.

    • Asthénie
    • Troubles neurovégétatifs : sont plus fréquents lorsque le niveau d’anxiété est élevé.
    • Troubles digestifs (état saburral, constipation, nausées voir diarrhée en cas d’anxiété sévère)
    • Troubles urinaires (pollakiurie anxieuse)
    • Troubles cardio-vasculaires (hypotension et bradycardie, parfois hypertension, tachycardie et bouffées vasomotrices en cas d’anxiété associée)
    • Troubles neuromusculaires (tremblements ou crampes musculaires, paresthésies, troubles cénesthésiques, céphalées, douleurs erratiques)

Formes cliniques

La grande variabilité interindividuelle de la symptomatologie dépressive et les effets psycho plastiques dus à l’âge permettent de décrire de nombreuses formes cliniques.

Formes selon l’intensité

    1. Les formes légères :

De la simple fatigue anormalement durable et inexpliquée, à la crise de morosité, en passant par l’irritabilité de caractère épisodique. Elles entravent peu les activités du sujet.

    1. Les formes sévères :

Aux conséquences immédiatement handicapantes sur le plan de l’adaptation relationnelle et professionnelle. Parmi les plus graves sont les dépressions anxieuses et mélancoliques à risque suicidaire majeur.

Formes symptomatiques

    1. Les dépressions mélancoliques :

Elles sont caractérisées par une configuration sémiologique particulière dominée par la perte d’énergie vitale. L’hyperthymie mélancolique, qui peut aller de la morosité à la douleur morale la plus intense. Le ralentissement psychomoteur est marqué. Les troubles somatiques sont constants. Enfin, l’existence d’une variation nycthémérale de la symptomatologie est très caractéristique, avec accentuation matinale des troubles.

    1. Les dépressions psychotiques ou mélancolies délirantes :

Elles sont caractérisées par l’existence d’idées délirantes, d’hallucinations, ou d’un état stuporeux ou confusionnel.

Dans les dépressions délirantes, le contenu idéique apparaît le plus souvent comme une amplification des schémas de pensée dépressifs ; le délire est alors considéré comme congruent à l’humeur (catathymique).

Dans les dépressions stuporeuses le ralentissement psychomoteur atteint son degré majeur. Le malade est immobile, prostré, mutique, ne répond à aucune sollicitation et refuse de s’alimenter. Derrière cette façade la conscience est hyper vigile, envahie par l’intense douleur morale. Il s’agit d’une urgence thérapeutique.

Dans les dépressions confusionnelles la désorientation temporo-spatiale, l’agitation ou la stupeur, l’incohérence des propos qu’infiltrent les thèmes dépressifs, sont au premier plan. Un tel tableau doit faire rechercher une affection organique associée.

    1. Les dépressions masquées :

Elles sont caractérisées par la prépondérance des plaintes somatiques au détriment des symptômes psychiques. Ces somatisations prennent souvent l’aspect d’une douleur atypique, continue, fixée, rebelle aux antalgiques : dorsalgies, lombalgies, myalgies, douleurs précordiales, abdominales, plaintes gynécologiques, céphalées, glossodynie, etc. Les troubles du sommeil et l’asthénie sont souvent associés.

Formes selon l’âge

  1. Formes de l’enfant :

    Les symptômes fondamentaux du syndrome dépressif sont identiques chez l’enfant et chez l’adulte, mais leur mise en évidence clinique peut être rendue plus difficile par l’immaturité psychologique.

    Le désintérêt pour les activités de jeu habituelles, l’apparition d’une phobie scolaire, l’irritabilité de caractère, une angoisse de séparation anormalement marquée, en constituent les signes d’appel fréquents.

  2. Formes de l’adolescent :

    Les troubles des conduites : fugues, toxicophilies, repli marginal, et les difficultés scolaires (fléchissement des résultats scolaire), l’hypersomnie et l’hyperphagie, en sont de courantes modalités.

  3. Formes du sujet âgé :

    Les troubles du caractère, l’anxiété, les plaintes somatiques, ou les attitudes de dépendance passive-régressive, sont souvent au premier plan. Ainsi, trois formes sont plus fréquentes à cet âge de la vie :

    • Les dépressions au cours desquelles dominent les plaintes somatiques ;
    • Les dépressions délirantes : formes sensitives, à type de délire de préjudice ; délires hypocondriaques, délires de négation d’organe (Syndrome de Cotard) ;
    • Les dépressions pseudo-démentielles : état d’affaiblissement intellectuel transitoire d’origine dépressive, présentant tous les caractères apparents de la démence : troubles de la mémoire, de la concentration, de l’orientation, appauvrissement mental, incurie.
    • Dépression hostile.

Diagnostic différentiel

    1. Tristesse :

La tristesse normale se rapporte généralement à un contexte, un objet précis, auxquels elle demeure circonscrite alors que la tristesse pathologique accompagne tous les actes et envahit toutes les pensées possibles de l’individu.

    1. Deuil :

      Le deuil réalise un modèle de dépression réactionnelle à la perte d’un être cher, il faut attendre 6mois pour juger. Mais il se différencie d’un état dépressif par :

      • La notion de perte déclenchante qui justifie une tristesse normale ;
      • Les sentiments d’injustice, de révolte et de colère, qui interrompent la tristesse face à l’événement ;
      • La rareté de l’idéation suicidaire ;
      • L’absence de ralentissement psychomoteur ;
      • L’absence de sentiments de culpabilité ;
      • L’atténuation spontanée avec le temps.
    2. Anxiété :

Le ralentissement psychomoteur, le désintérêt généralisé et l’anhédonie, la perte de l’estime de soi, l’idéation suicidaire, ne sont pas retrouvés dans un tableau anxieux. Leur présence évoque la présence d’un syndrome dépressif, dont l’anxiété constitue un fréquent symptôme d’accompagnement.

    1. L’émoussement affectif des états schizophréniques chroniques :

L’humeur dépressive s’en distingue par la richesse des affects mobilisés, à la différence de l’hébéphrène habituellement peu concerné par ses symptômes, dont la réactivité émotionnelle paraît très amoindrie.

  1. Démence.
  2. Dépression délirante avec paranoïa sensitive.

Etiologies

Psychiatriques

  • Troubles de l’humeur.
  • Troubles schizophréniques et maladies psychotiques : dépression secondaires aux délires chroniques.
  • Etats anxieux. Etats névrotiques.
  • Troubles de la personnalité.
  • Dépression du post-partum.

Causes secondaires

    1. Neurologiques :

Traumatismes crâniens. Tumeurs cérébrales. SEP, Parkinson, Maladie de Wilson. Maladies dégénératives cérébrales (Alzheimer, etc.) Syndromes douloureux chroniques.

    1. Endocriniennes :

Insuffisances hypophysaires, hypothyroïdies, hyperthyroïdies. Maladie d’Addison, Cushing.

    1. Cancéreuses :

Cancer du pancréas, cancers métastasés, lymphomes, métastases cérébrales.

    1. Autres :

Métaboliques , nutritionnelles, collagénoses, hépatiques, infectieuses, cardio-vasculaires et toxiques.

  1. Iatrogènes :
    • Hormones : oestrogènes, progestatifs. Corticoïdes.
    • Antituberculeux : isoniazide. Lévodopa.
    • Neuroleptiques puissants : butyrophénones, neuroleptiques retards.
    • Indométhacine. Baclofène.
    • Psychostimulants et anorexigènes amphétaminiques.
    • Anticancéreux : vincristine, vinblastine.
    • Post-chirurgicales : transplantations, exérèses, amputations.
    • Psychothérapies mal conduites.

Conclusion

  • La dépression reste une pathologie fréquente dans la population générale nécessitant une prise en charge adéquate basée sur les antidépresseurs qui doivent être utilisés pendant une durée suffisante et à dose efficace, associé le plus souvent à des séances de psychothérapie : TCC et / ou psychothérapie de soutien.
  • Le risque suicidaire doit être recherché systématiquement.

Références bibliographiques

  1. A.Bottêro, P.Canoui, B.granger : Psychiatrie de l’adulte Maloine, 1992 , pages : 7-21.
  2. T.Lemperière, A.Féline, J.Adès,P.Hardy, F.Rouillon : Psychiatrie de l’adulte , Elsevier Masson S.A.S., Paris, 1977,2000, 2004, 2006, pages : 280-288.

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