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Les symptômes psychiatriques longitudinaux dans la maladie de Huntington : une décennie de données


Introduction

La maladie de Huntington est une maladie neuro-dégénérative autosomale dominante qui se manifeste à l'âge adulte par des symptômes moteurs (chorée, rigidité, bradykinésie), cognitifs (déficit d'apprentissage, altération des fonctions exécutives et sensorielles) et psychiatriques (irritabilité, apathie, dépression, persévérations, obsessions et psychose). Les symptômes psychiatriques représente un aspect significatif de la maladie. Ils sont très variables et leur évolution n'est pas pleinement corrélée à la progression des troubles moteurs et cognitifs. Cette progression se fait sur plusieurs années et aboutit à un déclin fonctionnel et un décès prématuré. Il existe une association entre le nombre de répétions CAG dans le gène responsable (longueur du segment CAG) et l'âge de l'éclosion des symptômes.

Les auteurs du présent article ont cherché à mieux comprendre l'évolution des manifestation psychiatriques chez les individus porteurs de la mutation de la maladie de Huntington et ce à partir de la phase prodromale, antérieur au manifestations motrices.

Méthodes :

Pour ce faire, les auteurs ont réalisé une étude multicentrique au niveau de 33 sites incluant 6 pays différents (USA, Canada, Allemagne, Australie, Espagne et UK). Les sujets éligibles étaient ceux qui avait réalisé un test génétique de dépistage de la maladie de Huntington. Les sujets ayant une expansion de la répétition CAG >36 on servi de cas et ceux avec une longueur CAG < 36 on servi de témoin. Les autres critères d'inclusion étaient l'âge supérieur à 18 ans l'absence de symptômes au moment du recrutement.

Les sujets sont entré dans l'étude avec un degré d'exposition à la maladie différent vu la variabilité de leur âge et la longueur de leur séquence CAG. Les participants ont donc été stratifiés en 3 groupes selon la probabilité du diagnostic des troubles moteurs dans les 5 ans en calculant le score: longueur CAG - âge. Ainsi les auteurs ont distingué : le groupe témoin, le groupe à probabilité faible, le groupe à probabilité moyenne et enfin le groupe à probabilité élevée.

L'évaluation des symptômes psychiatriques s'est étalée sur 10 ans et s'est faite à l'aide de la SCL-90-R qui explore l'index de sévérité globale, les symptômes positifs, les somatisations, les symptômes obsessionnels, l'anxiété, la dépression, l'hostilité, l'idéation paranoïde et le psychoticisme. Les scores de la SCL ont été doublement calculés à chaque évaluation, une première fois en se basant sur l'entretien avec le sujet puis une deuxième à travers l'entretien avec l'un de ses proches (compagnon ou parent).

En utilisant une régression linéaire à effets mixtes, les symptômes psychiatriques (scores SCL) ont été comparés, aux différents temps de l'étude, d'une part entre les sujets contrôles et les porteurs de la mutation, et d'autre part entre les sujets et leur compagnons.

Résultats et discussion :

Parmi les résultats les plus importants, les auteurs soulignent qu'à la Baseline, les scores de 11 des 12 variables psychiatriques (SCL) des groupes prodromiques à probabilité moyenne et élevée se sont montrés statistiquement différents entre sujets et contrôles et cela aussi bien lorsque l'évaluation était faite auprès du sujet que lorsqu'elle est faite auprès de son compagnon. Par contre, dans le groupe prodromique à faible probabilité, cette différence n'étaient significative que pour 9 des 10 variables psychiatriques lorsque l'évaluation était faite auprès du sujet et seulement une des 12 variables lorsque c'était le compagnon qui scorait la SCL.

De plus, durant le suivi longitudinal sur 10 ans, les scores psychiatriques donnés par les compagnons ont changé de manière significative dans le groupe à probabilité élevée pour 11/12 variables, 6/10 variables dans le groupe à probabilité moyenne et enfin 2/12 dans le groupe à basse probabilité. Par contre, Les évaluations faites par les sujets n'ont changé de façon significative tout au long de l'étude que dans le groupe à probabilité élevée alors qu'elles sont restées inchangées dans les deux autres groupes (basse et moyenne probabilité.)

Il s'agit là de la première large étude à documenter l'évolution longitudinale des symptômes psychiatriques dans la maladie de Huntington. Ces symptômes doivent constituer un signal d'alerte pour les professionnels de la santé mentale puisqu'il il précédent, avec les troubles cognitifs légers, d'une décennie avant les symptômes moteurs.

L'aggravation des symptômes psychiatriques au fil du temps, retrouvée lorsque les compagnons des malades étaient utilisés comme source d'informations, contraste avec l'évolution auto-rapportée par les participants et explique le dogme de la non corrélation des symptômes psychiatriques à l'évolution de la maladie largement admis dans la littérature.

Dr Berhili Nabil

Service de psychiatrie

CHU Hassan II Fès

Le 27/02/2016


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