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Le risque endogène et le risque lié aux antipsychotiques du diabète chez les jeunes atteints de schizophrénie : une étude de cohorte de la population danoise


American journal of psychiatry, July 2017

Introduction :

Le diabète sucré contribue à une augmentation de la mortalité d’origine cardiovasculaire et réduit l’espérance de vie dans la schizophrénie. Cette étude de cohorte centrée sur la population a étudié le risque endogène du diabète chez les patients schizophrènes n’ayant jamais reçu d’antipsychotiques et a évalué le risque du diabète après avoir débuté un antipsychotique de première ou de deuxième génération.

 

Méthode :

L’étude a fait le suivi de toute la population danoise née à partir du 1er Janvier 1977 jusqu’au 1 er Janvier 2013 (N= 2, 736,510). Le Registre Danois de Recherche Psychiatrique a constaté les diagnostiques de schizophrénie. Le Registre National de Prescription Danois a fourni des données sur les prescriptions d'antipsychotiques. Les données sur le diabète ont été établies à partir du Registre National du Patient Danois et du Registre National de Prescription Danois. Les auteurs ont estimé le risque endogène et le risque lié aux antipsychotiques pour développer un diabète en utilisant les modèles de régression des risques proportionnels Cox, tout en tenant compte des facteurs de confusion potentiels (les antécédents familiaux de diabète et les médicaments potentiellement diabétogènes).

 

Résultats et discussion

Caractéristiques de la population

Ils ont fait le suivi de 2,736,510 personnes. La durée moyenne du suivi est de 18.8 ans. 8,945 personnes (soit 0.33%) ont développé une schizophrénie durant le suivi. La durée moyenne de suivi après le diagnostique de la schizophrénie était de 5.07 ans,  et la durée moyenne de suivi après la première prescription d’un antipsychotique était de 6.40 ans. Ils ont constaté que 14,118 ont développé un diabète (soit 0.52%).

 

Risque endogène du diabète

Les personnes souffrant de schizophrénie et n’ayant jamais reçu d’antipsychotiques avaient un taux d'incidence plus élevé de diabète. Après ajustement  des facteurs de confusion potentiels, ils avaient approximativement trois fois plus de risque de développer un diabète  par rapport aux personnes sans schizophrénie. Plusieurs études et méta-analyses ont rapporté une prévalence élevée  du diabète endogène chez les patients schizophrènes n'ayant jamais reçu d'antipsychotiques par rapport à la population générale [1,9,10,12,31,33,]. L’intolérance au glucose est plus répandue chez les patients schizophrènes n’ayant jamais reçu d’antipsychotiques que chez les témoins en bonne santé, et cette association est indépendante des effets de l'indice de masse corporelle et des mauvaises habitudes de vie [13-15]. Les facteurs génétiques, les symptômes négatifs, l'abus de substances et une vie malsaine dans la schizophrénie peuvent contribuer au risque endogène du diabète.

 

Risque lié aux antipsychotiques

Le taux de diabète a significativement augmenté (plus de 3 fois) chez les patients schizophrènes après avoir démarré un antipsychotique, par rapport à ceux qui n’ont pas encore reçu d’antipsychotiques tout en prenant considération les facteurs de confusions potentiels. Les effets dose-réponse [30] et plusieurs mécanismes biologiques plausibles [21] indiquent une association causale entre les antipsychotiques et le diabète. L'antagonisme central et périphérique des récepteurs M3, H 1, 5-HT2c, d'autres récepteurs sérotoninergiques et adrénergiques peuvent avoir des effets directs dans le développement du diabète ou peuvent augmenter le risque de diabète par des mécanismes indirects, tels que le gain de poids et la réduction de la sensibilité à l'insuline [21, 31, 35].

 

 

Risque significatif lié aux antipsychotiques de première ou de deuxième génération

Le premier choix thérapeutique d’un antipsychotique de première ou de deuxième génération (à l’exception de la clozapine) n’a pas conclu à une différence statistiquement significative dans le taux de diabète chez les patients atteints de schizophrénie dans cette étude.  Les auteurs ont répété l’analyse en excluant l’olanzapine des antipsychotiques de deuxième génération et ont obtenu les mêmes résultats. En commençant un traitement  soit par l'olanzapine soit par l'aripiprazole, le taux de diabète a augmenté de manière significative par presque deux fois chez les personnes atteintes de schizophrénie par rapport à ceux ne recevant pas d’antipsychotiques, alors que ce taux a augmenté par presque 4 fois en initiant un traitement par  la clozapine. Il a été démontré que la clozapine confère un risque plus élevé de diabète que les autres antipsychotiques de deuxième génération [31, 33]. Il est possible que l'aripiprazole et les antipsychotiques de première génération avaient été prescrit pour les patients susceptibles d'avoir un diabète, de même l'olanzapine aurait pu être prescrite le plus souvent pour des personnes moins exposées au risque de diabète. Ainsi on peut expliquer les résultats similaires du risque de développer un diabète chez les patients ayant reçu l'olanzapine et l'aripiprazole, et l'absence de différence significative dans le taux de diabète chez les patients ayant reçu les antipsychotiques de première et de deuxième génération dans cette étude danoise. Plusieurs études et méta-analyses ont montré que les neuroleptiques de première et de deuxième génération augmentent tous les deux le risque de diabète, et que les antipsychotiques de deuxième génération confèrent un risque significativement moins élevé pour le diabète que les antipsychotiques de première génération [24,28,29,30].

Points forts, limites et perspectives de l’étude

Les points forts de cette étude comprennent la grande taille d'échantillon de la population, le long suivi, le statut des personnes atteintes de schizophrénie n’ayant pas reçu d’antipsychotiques, l'accent mis sur le diabète de début précoce chez les jeunes et les ajustements statistiques pris en compte concernant les antécédents familiaux du diabète et les médicaments potentiellement diabétogènes. Une limite importante de cette étude est que les auteurs ne pouvaient pas distinguer de manière fiable le diabète type 1 du type 2. De plus, l'étude d'une population relativement homogène et majoritairement caucasienne d'un seul pays peut limiter la généralisation des résultats, mais cela devrait renforcer leur validité interne. D'autres limites de cette étude comprennent le manque de données sur d'autres facteurs de confusion potentiels, tels que l'obésité, la dyslipidémie, le tabagisme, les autres types d'abus de substances, le régime alimentaire, la sédentarité et le regroupement des  différents antipsychotiques ensemble lors des  analyses des résultats ce qui a pu influencer les résultats . Dans cette étude, les jeunes atteints de schizophrénie avaient beaucoup plus d’antécédents familiaux de diabète. Cette constatation indique l'agrégation familiale et le chevauchement génétique de ces deux troubles. Les résultats de cette étude danoise ajustés pour les antécédents familiaux de diabète, démontrent que les personnes atteintes de schizophrénie sont à risque accru de diabète, indépendamment de leur histoire familiale de diabète et des antipsychotiques reçus. Les études dans l'avenir devraient se concentrer sur les mécanismes biologiques sous-jacents reliant le diabète et la schizophrénie, et sur les interventions potentielles de prévention. Le risque endogène du diabète dans la schizophrénie combiné au risque lié aux antipsychotiques nécessite une attention particulière dans les services psychiatriques qui devraient élaborer des protocoles spécifiques, et collaborer étroitement avec les établissements de soins primaires pour détecter le diabète chez les personnes atteintes de schizophrénie.

 

Conclusion

La schizophrénie confère un risque endogène élevé pour le diabète, et le risque est encore augmenté par la prise des antipsychotiques de première et de deuxième génération. Le dépistage précoce et le traitement efficace du diabète devraient être une partie intégrante de la gestion multidisciplinaire de la schizophrénie indépendamment de l'exposition aux médicaments antipsychotiques.

 

                                                                                  DR OUAZZANI YOUSSEF

                                                                                  Service de psychiatrie CHU Hassan II Fès

Le 20/07/2017


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