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Urgences psychiatriques et puerpéralité


Introduction

La période de la gravido-puerperalité est marquée par des manifestations psychoaffectives pouvant être le lit de manifestations pathologiques. La pathologie psychiatrique liée à la puerperalité englobe les troubles contemporains de la grossesse, de l’accouchement, de la lactation et de l’avortement volontaire ou médical.

La grossesse joue un rôle protecteur par rapport aux troubles psychiatriques majeurs (accès maniaque, accès mélancolique, les poussées aigues de schizophrénie), par contre on trouve une aggravation des états névrotiques. Les psychoses puerpérales représentent une urgence psychiatrique.

Le risque de suicide ou de passage à l’acte agressif sur le bébé font tout l’intérêt de la question. L’objectif est de les prévenir, les diagnostiquer précocement et une meilleure prise en charge pour éviter toute complication.

La prise en charge nécessite la coordination de tous les acteurs intervenant autour de la grossesse (gynécologues, sages femmes, psychiatres, pédopsychiatre…).

Les troubles psychiatriques au cours de la grossesse

Vomissements

On les observe chez 50% des femmes lors du premier trimestre. Ils représentent la symptomatologie psychosomatique la plus classique de la grossesse, et ne sont pas considérés comme pathologiques. Mais dans 2,5% ils sont très graves et nécessitent une prise en charge pluridisciplinaire en milieu hospitalier.

Troubles anxieux

Ils sont plus fréquents au cours du premier et du troisième trimestre. Les manifestations phobiques autour du déroulement de la grossesse et l’état du fœtus sont classiques.

Parfois on trouve une crise de panique ou d’obsessions avec peur de tuer le fœtus, l’expression symptomatique de l’angoisse peut aussi prendre la forme de contractions utérines et/ou de menace d’accouchement prématuré.

Etats dépressifs de la grossesse

Sont favorisés par des facteurs psychosociaux (grossesse à l’adolescence, difficultés affectives ou matérielles, antécédents personnels ou familiaux)

  • Episode dépressif mineur, avec dysphorie, ruminations anxieuses, insomnies, plaintes somatiques, vomissements, perte ou prise de poids.
  • Episode dépressif majeur, plus rare pendant la grossesse avec ralentissement psychomoteur, anorexie, crise de larmes itératives, une dysphorie, sentiment d’impuissance d’incapacité, de honte, de culpabilité, troubles du sommeil et des idées suicidaires peuvent parfois s’ajouter.

Le déni de la grossesse

Fréquence est estimée à 3 pour 1000 accouchements. Le déni peut être total, persistant jusqu’à l’accouchement .Il peut être partiel : la grossesse est découverte au delà de cinquième mois, par la parturiente elle-même ou par un médecin consulté pour un autre problème, mais la prise de conscience est plus moins refoulée, Les complications fréquentes sont une prématurité, décès in utero, surmortalité périnatale spontanée. Il existe un risque de néonaticide.

Les facteurs de risques :

  • Grossesse hors mariage
  • Sévices sexuels souvent intrafamiliaux
  • Relations perturbées avec la mère
  • Isolement affectif, deuil, antécédents d’avortement spontané ou décès d’un enfant à la naissance.

Décompensation psychotique

Un premier épisode délirant, maniaque ou dépressif majeur, est rare au cours de la grossesse de même qu’une décompensation des troubles psychiatriques chroniques.

Les troubles psychiatriques du post-partum

Psychoses puerpérales

La fréquence des psychoses puerpérales est de 2 à 5% en France, elle est un peu diminuée par rapport au siècle dernier.Dans DSMIV on ne trouve pas le terme de psychoses puerpérales, soit classé en trouble psychotique bref avec début lors du post-partum ou trouble de l’humeur avec début lors du post-partum.

Les facteurs de risque

De nombreuses études épidémiologiques montrent que les troubles psychiques de la puerpéralité sont corrélés à des facteurs de risque dont la connaissance a permis de déterminer une politique de prévention.

  • Terrain psychopathologique:
    • Antécédent personnel de trouble psychiatrique, particulièrement lors des grossesses et post-partum antérieurs.
    • Antécédents familiaux de troubles psychiatriques Conflits psychiques réactives par la grossesse (filiation, relation aux parents, identité….)
    • Antécédents de traumatismes, maltraitance, abus sexuels ou carence affectives dans l’enfance.
  • Facteurs psychosociaux : Grossesse non désirée Conflit conjugaux ou mère isolée Précarité socio-économique Evènement de vie stressants pendant la grossesse ou en péri-partum (deuil périnatal d’un proche, séparation…)
  • Facteurs gynéco-obstétricaux et somatiques : Primiparité Antécédents d’interruption de grossesse Antécédents de perte d’un enfant Complications obstétricales au cours de la grossesse et de l’accouchement (MAP, prématurité, césarienne, accouchement dystocique…..)
  • Facteurs biologiques : Les remaniements hormonaux sont importants au cours de la grossesse

Clinique

Les états psychotiques aigus confuso-délirants

Représentent 10 à 25% des troubles psychiatriques aigus du post partum.

Début brutal dans les 3 premières semaines après accouchement avec un pic de fréquence de 10 jours.

Phase prodromique : Brève associe des pleures, plaintes somatiques, asthénie, ruminations anxieuse, agitation nocturne et insomnie progressive s’aggravant de cauchemars. Une confusion mentale s’installe avec doute sur la naissance et sur l’intégrité corporelle (utérus en particulier) ainsi que des fluctuations de l’état de conscience. Un désintérêt croissant pour l’enfant et un rejet progressif du contact physique avec celui-ci.

Phase d’état : tableau polymorphe, associant des symptômes délirants, thymiques et confusionnels.

Explosion délirante avec illusions hallucinations auditives et visuelles avec perturbation par moment de la conscience. Le délire est de type oniroïde, mal structuré, avec recrudescence vespérale et fluctuant dans son intensité et son expression.

Les thèmes sont polymorphe et centrées sur la relation mère-enfant et ou le conjoint :

  • Un déni de la maternité, idées de substitution du bébé, conviction que le bébé a changé de sexe, crainte injustifiée que le bébé est malade ou va mourir ou malformé. On peut aussi trouver un déni du lieu d’alliance ou de paternité avec le conjoint qui est devenu un Sosie. Les thèmes sont parfois mystiques, de possession ou mégalomaniaques.
  • Le syndrome confusionnel est représenté par la désorientation temporospatial, l’inversion du rythme nycthéméral, passage rapide de l’agitation à la stupeur. L’angoisse est souvent importante avec un sentiment d’étrangeté, de déréalisation et de dépersonnalisation.
  • Labilité thymique : variations d’humeur, intenses et rapides se succèdent rapidement depuis l’accès mélancolique jusqu’aux états d’excitation maniaque.
  • Le risque d’infanticide et ou suicidaire est très important+++

Diagnostic différentiel : Devant ce tableau clinique il faut éliminer une cause organique : imagerie cérébrale, NFS, CRP, glycémie, Ionogramme, EEG, TSH, échographie pelvienne

  • Les principales étiologies organiques:
    • Thrombophlébite cérébrale
    • Rétention placentaire
    • Méningo-encéphalite
  • Les principales étiologies psychiatriques:
    • Etat maniaque délirant
    • Mélancolie délirante
    • Bouffée délirante aigue
Les épisodes thymiques majeurs

Représentent au mois 70% des troubles psychiatriques aigus du post partum, 2/3 des hospitalisations en psychiatrie dans les premiers mois du post-partum

  1. Accès maniaques:
    • Début brutal
    • Survient dans les deux semaines qui suivent l’accouchement
    • Principalement des manies délirantes (agitation intense, hallucinations nombreuses, idées de toute puissance, missions divines, thèmes d’influence, thèmes érotomaniaque et persécution)
    • Il y a souvent des états mixtes
  2. Accès dépressif:
    • Très souvent à type de mélancolie confuse et/ ou délirante
    • Les thèmes de culpabilité convergent sur l’enfant et ceux d’indignité et de déshonneur sur la patiente, avec un sentiment de vide affectif vis-à-vis du bébé et des idées de catastrophe à venir dont la mère se sent responsable.
    • Un suicide ou un infanticide sont à redouter surtout si l’auto-accusation est intense +++
Troubles schizophréniformes

Représentent moins de 5%, survenant après la 6ème semaine du post partum, d’une durée inferieure à six mois.

Ils sont caractérisés par une dissociation avec parfois des éléments délirents (attitude de repli hostile, bizarreries dans le comportement, alternance de désintérêt et de rapprochement excessif vis-à-vis l’enfant soigné de manière aberrante)

Evolution

  • Dans 70% des cas, on assiste à une guérison définitive en quelques semaines ou mois sans séquelles sous traitement.
  • Dans 20 à 30% des cas, des rechutes surviennent lors des grossesses ultérieures.
  • Dans 10 a 15 % des cas, évolution vers la schizophrénie ou un trouble bipolaire.

Dépression du post-partum

Les états dépressifs post-partum sont en augmentation (15 à 20%), surviennent entre le 2ème mois et la fin de la première année.

  1. Facteurs de risque:
    • Hormonaux (thyroïdiens, stéroïdiens)
    • Antécédents de dépression
    • Ages extrêmes
    • Primiparité
    • Antécédent d’IVG
    • Complications obstétricales : prématurité, césarienne
    • Evénements de vie : perte d’un proche durant la grossesse, décès d’un enfant dans la période périnatale, isolement affectif ou conflits conjugaux pendant la grossesse
  2. Clinique:
    • Le début est souvent insidieux, soit après une période normothymique soit après un post-partum blues qui se prolonge et s’intensifie. Dans un tiers des cas, il y aurait déjà eu des symptômes dépressifs durant la grossesse
    • Se manifeste par un tableau classique de syndrome dépressif auquel
    • S’ajoutent une labilité émotionnelle, difficultés d’endormissement, une perte d’estime du maternage, une anxiété centrée sur le bébé, une aggravation vespérale, absence du plaisir à s’occuper du bébé, parfois phobie d’impulsion à lui faire du mal. La dépression est en général d’intensité modérée. Il faut évaluer le risque suicidaire, parfois on trouve des idées de suicide.
  3. L’évolution:
    • Guérison spontanément en quelques mois dans la moitie des cas, rechute après une grossesse ultérieure entre 30 et50% des cas, peut être le premier épisode d’un trouble thymique récurrent uni ou bipolaire.
    • Si la dépression est trainante on peut avoir un impact sur les interactions mères enfant et induire chez le bébé un mode d’attachement insécure.

Le post-partum blues

Très fréquent c’est une décompensation dépressive légère et transitoire survenant quelques jours après l’accouchement. Les symptômes les plus fréquents : des crises de larmes, une labilité de l’humeur, anxiété irritabilité.

Ces symptômes sont de courte durée avec un pic entre 3ème et 5ème jours, les formes prolongées au delà du 10ème jour sont le point de départ d’une dépression du post-partum

La dépression du post-abortum

Les réactions dépressives transitoires sont plus fréquentes que les états dépressifs catégorisés

La prise en charge thérapeutique

Le but est de soigner la pathologie maternelle et d’éviter que cette pathologie ait des conséquences sur le développement psychique de l’enfant.

Pendant la grossesse

Quelque soit la pathologie, la prise en charge thérapeutique doit prendre en compte les risques des psychotropes pour le fœtus et l’exacerbation des troubles psychiatriques de la mère.

  • Pour les troubles anxieux:
    • Les molécules les plus souvent utilisées sont les benzodiazépines.
    • Si la prescription s’avère nécessaire au début de la grossesse, on préfère les plus anciennes du groupe nordazepam.
    • Si vomissements gravidiques graves : hospitalisation, équilibre hydro-électrolytique, psychothérapie, parfois recours aux neuroleptiques.
  • Pour les troubles thymiques:
    • Les antidépresseurs tricycliques et la fluoxétine sont les mieux tolérés en cas de pathologie dépressive maternelle grave. Il convient de réduire légèrement les doses en fin de grossesse pour éviter les effets toxiques sur le nouveau né. Tout arrêt brutal en fin de grossesse est déconseillé (risque de tableau de sevrage avec risque de souffrance fœtale et convulsions néonatales)
    • Les thymorégulateurs doivent être arrêtés progressivement avant la conception et ne sera rétablis qu’au deuxième trimestre avec un apport en acide folique deux mois avant et un mois après la conception pour les anticonvulsivants.
    • On préconise un apport en vitamine K1(20mg/j) et vitamine D(1000 a 1500UI/j) les 3 derniers mois de la grossesse en cas de traitement par la carbamazépine.
    • On préconise une surveillance avec NFS, fibrinogène et TCK avant l’accouchement et chez le nouveau né à la naissance en cas de traitement par l’acide valproique.
    • L’allaitement maternel est contre indiqué en raison de passage non négligeable dans le lait
    • La sismothérapie : Elle n’est pas contre indiquée pendant la grossesse et l’on peut être amené à y recourir en cas de dépression sévère et en cas d’agitation délirante ou maniaque.
  • Les décompensations psychotiques:
    • L’hospitalisation et recours aux neuroleptiques.
    • Les neuroleptiques classiques ne sont pas contre indiqués, mais il est important d’éviter si possible la préscription des neuroleptiques au cours du premier trimestre. Il faut réduire la posologie le dérnier mois pout éviter des syndromes extrapyramidaux ou atropiniques chez le nouveau né.
    • Préférer la monothérapie (phénothiazine et butyrophénone sont les mieux connues).
    • Eviter les neuroleptiques injectables qui favorisent les modifications tentionnelles brutales chez la mère et donc une souffrance fœtale.

Dans le post-partum

  • Pour les psychoses puerpérales:
    • C’est une urgence psychiatrique qui nécessite une hospitalisation en milieu psychiatrique. Si l’état clinique maternel le permet, une hospitalisation en unité mère bébé est à favoriser avec séparation initiale de la mère et son bébé puis rapprochement progressif sous surveillance. Le traitement chimiothérapique est généralement une association antipsychotique (risperidone, olanzapine….) et un anxiolytique (benzodiazépine et/ou neuroleptique sédatif) ce qui implique un arrêt de l’allaitement, l’indication d’un thymorégulateur se pose parfois surtout chez une femme ayant des antécédents bipolaires et dont l’humeur reste instable. Le traitement sera poursuivi pendant une année.
    • L’électroconvulsivothérapie peut être indiquée dans les formes sévères, particulièrement lors de risque de passage à l’acte auto ou hétéroagressif important.
    • La prise en charge psychothérapeutique s’articule autour de la mère (thérapie occupationnelle, thérapie corporelle), des relations précoces mère-enfant et de père( TCC ou psychodynamique d’inspiration analytique) pour éviter les perturbations relationnelles pouvant être à l’origine de graves troubles dans le développement de l’enfant.
  • Pour la dépression du post-partum:
    • Prise en charge pluridisciplinaire. Il faut éviter la séparation mère enfant.
    • Si risque suicidaire il faut une hospitalisation qui doit se faire normalement dans une unité mère enfant pour ne pas aggraver la culpabilité de la mère et de préserver les relations précoces mère enfant.
    • La dépression du post partum nécessite un traitement antidépresseur associé à une psychothérapie axée sur la relation mère-bébé
    • Il faut arrêter l’allaitement.
  • Pour le post partum blues:
    • Ne nécessite pas de traitement pharmacologique, rassurer la mère la mettre en confiance,soutien de la famille.

Prévention

  • Dépistage en consultation anténatale des femmes qui ont des antécédents psychiatriques, des problèmes sociaux et relationnels graves ou des symptômes psychiatriques.
  • Créations d’unité d’hospitalisation mère bébé
  • Coordination entre médecin de famille, sage femme, gynécologue et psychiatre

Conclusion

La période de la gravido-puerperalité peut être le lit de pathologies psychiatriques divers, les psychoses puerpérales constituent une urgence diagnostique et thérapeutique. Les complications peuvent être un suicide ou infanticide ou perturbations des interactions mère-bébé. Intérêt d’une coordination multidisciplinaire.


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