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Le Syndrome Confusionnel


Introduction

Le syndrome confusionnel est un syndrome neuropsychiatrique aigu, qui traduit l’existence d’une souffrance cérébrale, d’étiologie organique en premier lieu. C’est une perturbation aigue et transitoire des capacités d’éveil et d’attention généralement réversible, d’autant plus curable que sa cause est rapidement identifiée, d’où l’urgence de l’enquête étiologique.

C’est une urgence diagnostique et thérapeutique qui peut mettre en jeu le pronostic vital.

La confusion psychogène est un diagnostic d’élimination. La confusion est non spécifique et les étiologies sont multiples. Elle est plus fréquente et plus grave chez le sujet âgé.

La prise en charge est en fonction de l’orientation étiologique.

La clinique

Début

Souvent brutal, rapidement progressif (quelques jours)

Les prodromes à recrudescences vespérale et nocturne (favorisés par l’obscurité) : +++

  • Insomnie
  • Anorexie
  • Irritabilité
  • Céphalées intenses à siège diffus
  • Anxiété croissante
  • Trouble de l’humeur souvent sous forme de dépression
  • Troubles de comportement avec passage à l’acte tels que fugue, érrance et parfois actes médico-légaux.

Période d’état

Se caractérise par une fluctuation symptomatique dans la journée, l’aggravation nycthémérale et dans l’obscurité est caractéristique de la confusion. +++

La présentation

  1. Les signes de retentissement physique: Epuisement, amaigrissement, voire cachexie, déshydratation, pâleur.
  2. Incurie: Négligence des soins corporels et de l’habillement parfois dénudement
  3. Faciès: figé, sans expressions ni réaction aux sollicitations extérieures, regard flou lointain avec rareté du clignement des yeux, le visage donne l’impression d’hébétude et d’égarement.
  4. Contact: difficile et parfois absent. Il ne répond pas ou peu aux questions, les réponses sont imprécises et parfois ne correspondent pas aux questions. Parfois il existe de courts moments de lucidité pendant lesquels le confus interroge son entourage « Qu’est-ce qu’il y’a ? où suis-je ? Qui êtes vous ? »
  5. Langage: pauvre, la parole est mal articulée, chuchotée, hésitante avec augmentation du temps de latence des réponses, des réponses à coté. Au maximum un mutisme.
  6. Comportement: L’activité motrice est variable, on trouve une agitation importante désordonnée alternant avec des états stuporeux. On peut trouver des impulsions inattendues, violences, réaction de fuite.

Les signes psychiques

  1. Un trouble de la conscience: Une baisse de la vigilance.
  2. Les différents niveaux de la vigilance:

    • Obnubilation: le patient exécute les ordres avec lenteur, après des stimulations nociceptives ou auditives fortes.
    • Stupeur: le patient ne peut plus exécuter quasiment que les ordres simples après stimulations importantes.
  3. Une baisse des capacités d’attention (aprosexie) aux stimuli externes, que traduisent cliniquement :
    • Une inattention: L’examinateur doit répéter ses questions, insister pour obtenir la réponse souhaitée. Au pire, la communication est nulle
    • Une distractibilité: L’attention se disperse sans discrimination entre important et accessoire, interrompue par des détails sensoriels (exemple : bruit du couloir…)
    • Des persévérations, par inattention : le sujet fournit une réponse mais à la question précédente.
  4. Un trouble de la mémoire:
    • Atteinte de la mémoire antérograde avec impossibilité de mémoriser les événements récents
    • La mémoire rétrograde d’évocation est aussi altérée
    • Il peut en résulter des productions paramnésiques des fabulations : le sujet cache son manque de souvenirs par des récits imaginaires, des fausses reconnaissances, les phénomènes de déjà vu, déjà vécu
    • Après la guérison il y a une persistance d’une amnésie lacunaire.
  5. Une désorientation temporo-spatiale: +++
  6. C’est un signe caractéristique du syndrome confusionnel. La désorientation temporal s’installe en premier, le sujet ignore la date du jour, confond le matin et le soir, la désorientation peut atteindre la perte complète des repères temporo-spatiaux et socio-familiaux : Le sujet ne reconnaît plus ni les lieux, ni les dates, ni les personnes : il se croit chez lui alors qu’il est à l’hôpital, se lève la nuit et annonce qu’il va au travail, confond l’infirmière avec sa femme.

  7. La perplexité anxieuse:
  8. Il s’agit de cours moments de lucidité ou le confus sort de sa stupeur et s’inquiète de ce qui lui arrive avec grande angoisse accompagnée d’efforts pour en sortir.

  9. Les troubles de la pensée :
  10. Une désorganisation de la pensée avec un discours décousu, flou, imprécis. Les propos incohérents, la compréhension est défaillante. Parfois des idées délirantes de persécution et la conviction n’est pas totale.

  11. Onirisme :
  12. Ou délire de rêve Inconstant favorisé par la dégradation de la conscience et par l’obscurité. Tous les mécanismes délirants participent au délire onirique mais plus particulièrement les hallucinations visuelles, tactiles et cénesthésiques. Les illusions ne sont pas rares le malade prend l’oreiller pour un animal, la porte pour une personne. Les thèmes fréquemment rencontrés sont : les zoopsies ou vision terrifiante d’animaux répugnants (rats, souris, serpents…) ou fantastiques difficiles à décrire parfois, figures humaines grimaçantes, sanglantes. On peut observer également des thèmes mystiques et érotiques. C’est un délire désordonné non systématisé. L’adhésion au délire est totale, le délire est vécu et agi. Il existe une charge émotionnelle massive d’ou le risque de passage à l’acte (délire des actes)

  13. Inversion du cycle veil sommeil.

Les signes physiques

  1. Le retentissementde la confusion :
    1. Altération de l’état général :
      • Troubles digestifs divers : anorexie, constipation, langue saburrale.
      • Troubles du sommeil constants
      • Déshydratation : oligurie, fièvre, sueur, pli cutanée
      • Dénutrition si le syndrome confusionnel dure depuis plusieurs jours.
    2. Signes neurologiques non spécifiques : céphalées, tremblements, hypertonie musculaire, hyper réflexivité osteo-tendineuse, parfois un relâchement sphinctérien qui est à l’origine d’une incontinence urinaire voire fécale.
  2. Symptômes de la maladie causale.

Formes cliniques

  1. Confusion stuporeuse pure: profondeur de la prostration
  2. Confusion agitée : ou domine l’agitation anxieuse
  3. Formes délirantes pures
  4. Formes frustes : sont fréquentes, la vigilance diurne est normale ou presque c’est la notion d’agitation ou de désorientation vespérale qui fait évoquer le diagnostic
  5. Formes suraiguës ou syndrome confusionnel malin : délire aigu avec symptômes physiques graves, une hyperazotémie, nécessitent des soins d’urgence en service de réanimation.
  6. Forme du sujet âgé : prévalence de la forme fruste, les étiologies sont surtout infectieuses, les troubles hydro-électrolytiques, intoxications médicamenteuses, hématome sous durale

Démarche diagnostique

  1. Anamnèse : le début, les signes cliniques, les antécédents
  2. Examen somatique complet avec examen neurologique principalement
  3. Examens complémentaires( en fonction du contexte clinique) :
    • NFS, VS, ionogramme sanguin, glycémie, calcémie
    • TP/TCK, groupe rhésus
    • Urée, creatininemie
    • Bilan hépatique( ASAT,ALAT, bil,PAL)
    • Hémoculture, ECBU, ponction lombaire
    • Amylasémie, alcoolémie, gaz du sang
    • Recherche de toxiques (sg et urine)
    • ECG,EEG,RX du poumon
    • TDM cérébral

Diagnostic différentiel

  1. Bouffée délirante aigue
  2. Les démences : bien que riche en troubles de mémoire et perte des repères elle ne présente pas, sauf à un stade très avancé, le trouble de la vigilance caractéristique, le dément est indifférent vis-à-vis du trouble.
  3. Une mélancolie stuporeuse ou une grande agitation maniaque
  4. Episode catatonique aigu

Etiologies

  1. Métaboliques et endocriniennes :
    • Hypoglycémie ++, acidocétose, état hyperosmolaire
    • Insuffisance hépatique, rénale, respiratoire
    • Déshydratation et hyper-hydratation
    • Hypo et hyper natrémie
    • Hypo et hyperkaliémie
    • Hypo et hypercalcémie
    • Troubles surrénaliens
    • Troubles thyroïdiens : hyperthyroïdie, hypothyroïdie
    • Avitaminose, dénutrition
  2. Infectieuses :
    • HIV : action neurotoxique directe et/ou infection opportuniste
    • Atteinte virales : oreillons, MNI, grippe, méningo-encéphalites +++
    • Bactériennes : tuberculose, brucellose, typhoïde, paralysie générale syphilitique +++
    • Parasitaire : paludisme, toxoplasmose
  3. Cérébraux-méningées :
    • Traumatismes crâniens : hématomes extra et sous duraux, contusions.+++
    • Tumeurs cérébrales
    • Accidents vasculaires cérébraux
    • Encéphalopathie hypertensive
    • Ischémies cérébrales (insuffisance cardiaque, anémie…)
    • Comitialité
  4. Toxiques :
    • Alcoolisme aigu : ivresse aiguë simple ou pathologique
    • Alcoolisme chronique : encéphalopathie de korsakoff, sevrage alcoolique (délirium tremens)
    • Toxicomanies par intoxication aiguë ou par sevrage : cocaïne, opium, hachis, colles, barbituriques
    • En postopératoire (anesthésiques)
  5. Intoxications médicamenteuses :
    • Volontaire : surtout les psychotropes
    • Par surdosage chez le sujet âgé ou l’insuffisant rénal ou hépatique
  6. Causes psychiatriques :
    • Confusion psychogène : accès confuso-onirique des pathologies psychiatriques : Manies et dépressions confuses, psychoses délirantes aigues confuses, catatonie, stress psychique intense.
    • Mode de début de la schizophrénie , psychose puerpérale

Evolution et pronostic

Dépend de l’étiologie, de la précocité de la prise en charge et du terrain.

Les éléments de gravité : la déshydratation et les troubles hydro-électrolytiques, l’intensité de l’agitation psychomotrice, l’onirisme important, le refus alimentaire et l’hétéro-agressivité.

L’évolution se fait vers la guérison sans séquelles quand la cause est identifiée, parfois l’évolution est marquée par la persistance d’un délire post onirique.

Conduite à tenir

  1. Hospitalisation :
  2. Evaluation des fonctions vitales:
  3. Mesure des constantes hémodynamiques, de la température et de la glycémie capillaire.

    Selon la profondeur des troubles de la vigilance et de la présence d’une détresse cardiorespiratoire, le conditionnement du malade est nécessaire avant toute démarche diagnostique à visée étiologique

  4. Sédationde l’agitation :
    • Ambiance calme, présence rassurante, Il faut éviter la contention, assurer une lumière suffisante et sédation à l’aide d’une benzodiazépine injectable par voie intramusculaire (ex : 20mg de diazépam/Valium, 50mg de clorazépate/Traènxene, Carbamate/Equanil 1amp IM toutes les 2 à 4h) Les neuroleptiques risquent d’accroître la confusion, mais peuvent être utilisés si agitation importante ex : 100-300mg de chlorpromazine/largactil.
  5. Correction des troubles hydro-électrolytiques :
  6. Apport hydrique de préférence par la bouche (3 à 6l) parfois perfusion nécessaire avec surveillance du ionogramme sanguin et de la diurèse.

  7. Le traitement étiologique :
    • Antibiothérapie dans un syndrome infectieux
    • Arrêt de la prise du toxique
    • Diurèse osmotique lors d’une intoxication volontaire
    • Correction d’un trouble métabolique
    • Traitement neurologique ou neurochirurgical
  8. La prévention :
    • Eviter de prescrire les doses élevées au sujet âgé.
    • Eviter la polymedication chez le sujet âgé.
    • Le sevrage ne doit pas être brutal.

Conclusion

  • La confusion mentale est une pathologie fréquente surtout chez le sujet âgé.
  • C’est une urgence diagnostic et thérapeutique.
  • On ne retiendra une étiologie purement psychiatrique qu’après élimination des diverses étiologies organiques .
  • Le pronostic dépend de la rapidité de la prise en charge.
  • Intérêt de collaboration de différentes spécialités

Références

  • Nouveau précis de sémiologie des troubles psychiques, Edition HEURES DE France 2005,Serge Triboulet et Mazda Shahidi, pages 328-353
  • ABREGES Psychiatrie de l’adulte, Masson, Paris, 1977,2000,2004,2006, T.Lemperiere et autres, pages 380-387.
  • Psychiatrie de l’adulte, A.Bottero,P.Canoui,B.Granger,Edition Maloine 1992,pages,46-51 et de 410-411
  • Guide pratique de psychiatrie, Edition HEURES DE France,4eme edition,S.Tribolet- C.Paradas, pages 194-201

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